jeudi 26 avril 2012

À penser


Voilà, c’est ma dernière chronique, ce qui clôt du même souffle mon stage. J’espère que vous avez apprécié mes simples vulgarisations sur cette chose que nous manipulons constamment sans même y prêter attention. J’ai tenté de rester le moins prescripteur possible, bien qu’il soit impossible d’être totalement impartial. Mais aujourd’hui, je veux amorcer une réflexion motivée par la situation de notre langue dans notre pays, plus précisément au Québec.

Les propos sur la valeur et la place du français que j’entends ou que je lis me laissent perplexe et me font penser un peu à la perception que l’on avait de notre langue il y a 50 ans.
En 1960, un linguiste du nom de Lambert a réalisé une étude sur la perception du français au Québec, à Montréal. Il a enregistré des locuteurs bilingues ayant une « même » maîtrise du français et de l’anglais puis a fait croire aux juges qu’il s’agissait de locuteurs différents.
Ensuite, il a demandé aux juges d’évaluer les différents locuteurs grâce à leur voix à partir de certains traits (taille, intelligence, fiabilité, etc.) Alors, qu’en réalité, les juges trahissaient l’attitude des anglophones et des francophones à l’égard de l’anglais et du français.
Comme l’on pouvait s’y attendre, les juges anglophones notaient plus favorablement la voix anglophone que la francophone. Mais une surprise est venue des juges francophones qui ont noté plus favorablement les anglophones que les francophones, ils avaient même jugé plus sévèrement les francophones que ne l’avaient fait les juges anglophones.
Cette perception était le symptôme de l’époque qui a précédé la Révolution tranquille.

Alors, je me demande si, en 2012, ce n’est pas un retour à cette dévalorisation du français. Quand on entend notre ministre de l’Éducation vanter la « valeur supérieure » d’un programme d’étude parce qu’il est offert qu’en anglais, quand on entend des jeunes se plaindre, à tort, que la loi sur les jeux vidéo en version française les priverait de leurs titres favoris, quand on apprend que les cours de francisation des immigrants seront diminués, quand on sait que des enfants francophones issus de familles aisées reçoivent une éducation scolaire anglophone, peut-on légitimement croire que le français est victime de discrimination?

jeudi 19 avril 2012

La création lexicale


Plusieurs raisons peuvent motiver la création de nouveaux termes. Au Québec, notre organisme responsable de la promotion de la langue française, l’Office québécois de la langue française (OQLF), est à l’origine de bon nombre de néologismes.

Si l’on considère que l’Office livre bataille contre les emprunts sous les formes d’anglicismes purs ou calqués, on peut voir la création lexicale comme son arme de prédilection puisque nous empruntons en francisant pour « préserver » notre langue française.

Pour garder l’analogie guerrière, c’est une guerre de vitesse, car chaque nouveau terme s’implante vite, très vite dans l’usage jusqu’à devenir « inébranlable ». Donc, dans ce combat, c’est la philosophie du « vaut mieux trop tôt que trop tard », même si le terme suggéré a peu de chance de s’implanter.

Par exemple, savez-vous quel terme avait été suggéré pour contrer l’utilisation d’aréna? Si vous ignorez que c’était patinoire couverte, c’est tout à fait normal puisque ce terme, probablement trop long et dont l’image manquait peut-être de précision, n’a pas fait long feu. C’est donc aréna qui l’a emporté et qui est maintenant un terme recommandé par l’OQLF.

Un autre exemple : savez-vous quel est le terme suggéré pour marketing? Si le terme mercatique vous est étranger, c’est qu’il ne réussit pas à prendre sa place dans l’usage.

Mais il y a des exemples de créations beaucoup plus fructueuses qui se sont implantées dans l’usage. Pensons notamment à pourriel[1] qui semble avoir réussi à s’implanter contre spam. De nouveaux néologismes font même leur apparition en utilisant cette création (par exemple, pourriellage[2] ou pourrielleur[3]).

Ainsi, la création littéraire est un mécanisme qui nous permet de participer à l’évolution de la langue pour autant que nous en respections son génie.


[1] Un mot-valise formé à partir des mots POUbelle et couRRIEL (et non à partir du mot pourri ou pourriture, comme certains le laissent croire). (Le grand dictionnaire terminologique)
[2] Action d'inonder de nombreux groupes de nouvelles ou forums du même message, inutile, souvent provocateur et sans rapport avec le sujet de discussion, causant ainsi une véritable pollution des réseaux. (Le grand dictionnaire terminologique)
[3] Auteur d'un pourriellage, qui diffuse massivement à de nombreux groupes de nouvelles ou forums le même message, inutile, souvent provocateur et sans rapport avec le sujet de discussion, causant ainsi une véritable pollution des réseaux. (Le grand dictionnaire terminologique)

Que définis-je?


Voici un jeu en lien avec la chronique sur la création lexicale et qui veut vous faire découvrir une autre forme de création liée elle aussi à la création lexicale, la rédaction de définitions. Ces définitions se veulent le plus bref possible dans la mesure où elles s’associent exclusivement à la notion qu’elles définissent. Vous êtes donc invités à trouver le terme relié à chaque définition.

Activité de loisir créatif qui consiste à réaliser, essentiellement par collage, une composition personnalisée de photos, d'images ou d'autres objets particuliers présentée dans un album, ou sous toute autre forme originale, que l'on garde ou que l'on offre comme souvenir.[1]
Airelle noire
n. f.
Analyse visant à définir les atteintes environnementales d'un produit, d'un procédé ou d'un service tout au long du cycle de vie, depuis l'extraction des matières premières jusqu'à la fin de vie.[2]
Amarelle
n. f.
Application de l'informatique et du multimédia à la présentation visuelle de documents qui sont créés pour servir de support à une communication orale.[3]
Anadiplose
n. f.
Café expresso auquel on ajoute une boule de crème glacée, traditionnellement à la vanille.[4]
Callahan
n. m.
Développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Le développement durable s’appuie sur une vision à long terme qui prend en compte le caractère indissociable des dimensions environnementale, sociale et économique des activités de développement.[5]
Collimage
n. m.
Ensemble des principes, des techniques et des méthodes qui ont pour objectif de prévoir, constater ou stimuler les besoins du marché en vue d'adapter en conséquence la production et la commercialisation de biens et services pouvant répondre aux besoins ainsi déterminés.[6]
Développement durable
n. m.
Figure de style qui consiste à associer syntaxiquement un mot à un autre auquel il n'est pas lié par le sens, sans toutefois perturber la signification globale de l'énoncé.[7]
Discoplane
n. m.
Figure de style qui consiste à répéter, au début d'une construction syntaxique, un mot ou un groupe de mots figurant à la fin de la construction syntaxique précédente.[8]
Doigtier
n. m.
Instrument qui permet d'humecter d'eau ou d'un adhésif spécial des enveloppes, des timbres et des étiquettes.[9]
Écobilan
n. m.
Interception du disque par un joueur de l'équipe en défensive dans la zone des buts de l'adversaire.[10]
Flotteur à l’expresso
n. m.
Objet léger, plat et circulaire, utilisé dans les sports de disque, qu'on lance en le faisant tourner sur lui-même selon des trajectoires déterminées.[11]
Gomme adhésive
n. f.
Petit fourreau en caoutchouc servant à protéger le bout du doigt et à faciliter la manipulation du papier grâce à son relief.[12]
Griotte
Petite baie globuleuse à saveur douce et acidulée, de couleur noir bleuté et de 6 à 10 mm de diamètre.[13]
Humecteur
n. m.
Petite feuille de papier qui comporte au verso une mince bande adhésive permettant de la coller de façon temporaire, sur laquelle on peut écrire une note.[14]
Hypallage
n. f.
Substance collante non toxique permettant de maintenir bien en place, par exemple, sur un mur, des articles légers (affiche, carte, calendrier, etc.) et qui s'enlève, sans laisser de trace, pour être utilisée de nouveau.[15]
Mercatique
n. f.
Type de cerise acide de couleur claire, au jus incolore.[16]
Papillon adhésif
n. m.
Type de cerise acide de couleur sombre, au jus coloré.[17]
Présentatique
n. f.

Si ce genre d’exercice terminologique vous intéresse ou éveille votre curiosité, je vous invite à parcourir la section lexiques et vocabulaires du site de l’OQLF.


[1] Collimage
[2] Écobilan
[3] Présentatique
[4] Flotteur à l’expresso
[5] Développement durable
[6] Mercatique
[7] Hypallage
[8] Anadiplose
[9] Humecteur
[10] Callahan
[11] Discoplane
[12] Doigtier
[13] Airelle noire
[14] Papillon adhésif
[15] Gomme adhésive
[16] Amarelle
[17] Griotte