mercredi 29 février 2012

Le côté identitaire de la langue

Notre langue, on l’utilise constamment, sans relâche; on la parle, on l’écrit, on la pense. Une utilisation si intensive que l’on pourrait la croire innée. Elle fait tellement partie de nous qu'on n’y prête plus attention, à moins d’être confronté à l’une de ses difficultés issues de son exigeante grammaire.

Notre langue fait partie de nous : elle trahit qui nous sommes, elle trahit la façon dont on voit le monde. Seriez-vous le même avec une autre langue maternelle?[1] Au-delà de ses règles de fonctionnement, notre langue est la preuve de la façon dont on conçoit le monde et, bien que les différences puissent être ténues ou atténuées avec le temps selon la langue avec laquelle on la compare, elles restent.

Pour être un peu plus concret, si l’on analyse une chose aussi anodine qu’un fer à cheval, on ouvre la porte d’une perception nouvelle. En français, le terme « fer à cheval » met l’accent sur la matière, alors qu’en anglais, le terme « horseshoe » renvoie à la fonction de l’objet. De plus, la notion de « fer » est associée aux entraves mises aux esclaves (ferrer un cheval, c’est le domestiquer, se l’approprier) tandis que la notion de « chaussure » est liée à l’idée d’une protection pour les pattes du cheval. Et cette différence de perception du même objet rend bien la différence de traitement de l’animal : alors que pour les Anglais, le cheval était un animal de compagnie et qu’il était bien traité jusqu’à ce qu’il meure de vieillesse même s’il se cassait une patte, pour les Français, le cheval était un outil de travail dont ils ne s’embarrassaient pas s’il était blessé.

Et ce n’est qu’un exemple dans un océan regorgeant de termes où chaque petite nuance définit davantage ce qui importe, ce qui a défini, en partie, les locuteurs natifs d’une langue.[2] Utiliser notre langue, ce n’est pas seulement communiquer une idée, c’est aussi témoigner de l’histoire et de l’évolution de notre peuple, de notre communauté, de nos ancêtres.


[1] Par exemple : en anglais, vous n’« avez » pas d’âge comme en français, vous « êtes » votre âge (J’ai 20 ans, I’m 20 years old).
[2] Par exemple : le fantassin qui est, en français, venu de l’italien et qui signifie « jeune homme », alors qu’en anglais ce n’est qu’un homme (maintenant soldat) à pied. L’écolier est celui qui étudie tandis que le schoolboy est celui qui fréquente l’école.

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