dimanche 10 février 2013

Les chevals existent-ils?


par Marie-Ève Girard, stagiaire au Participe


Image tirée du site www.dragonfantasy.centerblog.net
Il m'est arrivé tout récemment d'avoir une discussion avec mon jeune frère de 18 ans dans laquelle le mot chevals est arrivé sur le tapis. Pleine de bonne volonté j’ai alors rectifié : « Chevaux! ». Je me suis rapidement fait dire que le terme chevals, c'est-à-dire le pluriel du mot cheval était maintenant accepté.

Faites-vous partie de ces gens qui ont entendu ou qui entretiennent cette légende? Navrée de vous le dire, mais ce terme possédant tout de même un certain charme ne fait toujours pas partie de la norme de la langue française et pourrait vous valoir une faute dans votre prochaine rédaction. La légende va même parfois jusqu'à stipuler que tous les pluriels se terminant en -aux traditionnellement seraient désormais acceptés et valides en -als.

Cette légende remonterait jusqu'aux années 1980. L'Acamédie française serait à l'origine de ce changement, ayant brièvement accepté le pluriel -als pour les mots se terminant en -aux. Cependant, une brève recherche nous permet de constater l'absence d'une telle proposition et le dernier dictionnaire de l'Académie s'en tient toujours aux bons vieux chevaux.

L'Académie française. Image tirée du site dpov.fr.
Une autre piste mettrait également la faute sur la réforme de l'orthographe proposée en 1990. Il est bien vrai que ces rectifications orthographiques ont fait disparaitre certaines incohérences dans la langue française afin de la rendre plus transparente, mais le pluriel en -aux ne faisait pas partie de ces rectifications.

Le mythe de chevals semblant être particulièrement actif au Québec, certains ont pensé qu'une autorité québécoise en matière de langue pourrait en être à l'origine. L'Office québécois de la langue française nous rappelle cependant avec véhémence que le pluriel de cheval est encore et toujours chevaux. D'ailleurs, selon l‘Office, cette graphie serait due à une erreur de la part des moines copistes médiévaux :


Cheval devient chevaux au pluriel en raison de l'évolution historique du mot. Au cours du
passage du latin aufrançais, la consonne l suivie d'une autre consonne, en l'occurrence le s
du pluriel, s'est transformée enu (prononcé ou). On avait donc chevaus comme pluriel de
cheval. C'est le même phénomène qui a faitque alba est devenu aube, prononcé à l'époque aoube.


De plus, pour transcrire la finale us de chevaus, on utilisait un signe abréviatif qui ressemblait à notre
x et que les scribes par la suite ont confondu carrément avec le x lui-même. On a donc eu la graphie
chevax. Lescopistes ont ensuite rétabli le u qu'on croyait avoir oublié, ce qui a donné la graphie que
nous connaissons encore maintenant : chevaux.1

Le ministère de l'Éducation du Québec est lui aussi nommé comme instigateur de ce changement.
La rumeur est fausse, mais peut-être que l'épreuve de français écrit de 1998 a contribué à l'alimenter.
En effet, parmi les textes fournis par le ministère se trouvait un poème de Michel Garneau provenant du
recueil Les petits chevals amoureux. Dans ce poème figuraient des mots tels que chevals et animals
employés ainsi dans ce contexte pour créer un effet de style. Il est probable que certaines personnes
auraient alors conclu que ces pluriels inhabituels étaient désormais acceptés par le ministère de
l'Éducation du Québec.

Voici donc un mythe démenti. La graphie chevals n'est acceptée par aucune institution linguistique; 
continuez alors d'écrire chevaux mais n'oubliez pas : festivals, bals, carnavals, banals, navals, natals 
et fatals!
Crédit photo: www.hopela.com












1 Banque de dépannage linguistique, Office québécois de la langue française, 
http://66.46.185.79/bdl/gabarit_bdl.asp?t1=1&id=1554



Source : Druide Informatique, enquêtes linguistiques : questions épineuses et curiosité étymologiques

2 commentaires: