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Un exemple patent de cette mutation est cette nouvelle qui nous arrive : il y aurait moins de « grands lecteurs ». Pour ne parler que du Québec, un rapport sorti en 2004 affirmait déjà une « diminution des grands lecteurs au profit des petits lecteurs ». Nicholas Carr le prévoyait déjà dans son livre Internet rend-il bête?, assurant que nous ne connaîtrons bientôt même plus l’utilité de la lecture, comblant tous nos besoins par le Web, cet « écosystème de technologies d'interruption ».
Il ne s’agit pas ici d’être réfractaires au changement mais de constater avec clairvoyance ce que serait un monde sans par exemple ces penseurs au long cours qui se penchent patiemment sur un sujet pour en déterrer et en comprendre ses racines. Avec la multitude de sollicitations qui nous arrosent, le cerveau humain serait de plus en plus en grand « déficit d’attention », pour reprendre l’expression de l’écrivain Philip Roth.
Serions-nous définitivement assujettis au monde-clip qui ne dévoile que la surface des choses sans prendre la peine d’examiner ses détails et ses contours? Devrons-nous laisser la recherche des profondeurs au profit de cet « endoctrinement publicitaire » dont parle Bernard Émond, ce cinéaste qui ose faire des films d’une vraie lenteur?
Le journal Le Devoir du 3 septembre 2011 rapportait ce fait : « Ce sont 49 % des Québécois qui ont des difficultés de lecture, qui cherchent à éviter les situations où ils ont à lire et, lorsqu'ils parviennent à décoder une phrase, qui n'en saisissent pas forcément le sens. » Tout cela serait donc bien réel? Il y a peut-être de l’espoir : l’être humain étant doté de conscience, une fois l’alarme sonnée, il n’en tient qu’à lui de faire autrement pour éviter le pire.
Dans tout cela, la vraie question est celle-ci: y aura-t-il encore quelqu’un pour lire « la recherche » de ce bon vieux Proust? Ces quelques milliers de pages de ce fabuleux écrivain qui n’a cessé d’être « À la recherche du temps perdu ». Car pour être à la recherche du temps, il faut d’abord en avoir un peu.
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