mardi 16 avril 2013

À propos de la lecture numérique


Voici ce qu'écrivait Valérie Gaudreault du journal Le Soleil dans le cadre du Salon du livre de Québec qui se tenait cette fin de semaine dans la Vieille Capitale. -Professeur C. 

François Blais, Deni Y. Béchard et Jean-Jacques Pelletier. Trois écrivains qu'on lit sur papier ou sur tablette numérique, dans le bus, dans le lit ou à la plage. Mais nos trois hommes sont aussi de grands lecteurs. Et, eux, le numérique, ça les branche? Le Soleil a profité du Salon du livre de Québec pour questionner ce trio d'auteurs sur leurs habitudes de lecture et leur rapport au livre à l'heure de la révolution numérique.

Deni Y. Béchard: une bibliothèque dans le baluchon
«Quand je voyage, j'ai 500 livres dans mon sac à dos.» Pour l'écrivain, grand voyageur et grand lecteur Deni Y. Béchard, le livre numérique, c'est la révolution.
Depuis plus de trois ans, celui dont le deuxième roman Remèdes pour la faim vient de paraître chez Alto ne se sépare pas de sa tablette Kindle.
La liseuse règle un problème de taille - et de poids! - pour ce Canado-Américain né d'un père québécois, qui bourlingue un peu partout sur la planète.
«Je voyageais beaucoup et je ne pouvais pas apporter autant de livres que je voulais. C'était l'époque où je me cassais le dos», relate Deni Y. Béchard, qui a visité des dizaines de pays.
Voilà maintenant que sa bibliothèque tient dans sa poche.
Et celui qu'on a connu pour Vandal love ou Perdus en Amérique, prix du Commonwealth du premier roman en 2007, ne cultive aucune nostalgie ni romantisme pour l'odeur de l'encre ou le son du papier qui craque sous la main. «Il va toujours y avoir des livres de papier, ils n'ont pas été consignés dans un autre univers», illustre-t-il.
«Et honnêtement, je n'ai pas de nostalgie pour un vieux livre qui sent la moisissure!» lance-t-il dans un éclat de rire. «Peu importe où je me trouve, si j'ai tout à coup le goût de prendre un livre de papier, j'en trouverai un.»
Si la tablette numérique est utile à Deni Y. Béchard le lecteur, elle l'est aussi pour Béchard le reporter. Le romancier a aussi réalisé des reportages journalistiques en Irak, en Afghanistan ou encore au Congo, où il mène présentement un projet documentaire sur la protection de l'environnement et des populations de singes bonobos.
«Quand je suis parti au Congo, j'avais une trentaine de livres de référence sur ma tablette. Ça m'a permis de prendre des notes et d'avoir accès très rapidement au moment de rédiger.»
Deni Y. Béchard souligne aussi l'aspect environnemental de la réduction du nombre de livres de papier. «Une tablette, ce n'est pas tellement bon non plus pour l'environnement, reconnaît-il. Assez pour y avoir pensé avant de se munir du précieux bidule.
«Mais je me suis dit que de toute façon, tout le monde en aura une, couper le papier permet au moins le limiter les dégâts. Ça fait quand même moins de gaz à mettre dans les camions qui distribuent les livres.»
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Jean-Jacques Pelletier: entre La Pléiade et l'iPad
Jean-Jacques Pelletier est aux deux. Il aime lire sur une tablette numérique. Et sur le bon vieux papier.
«Ça dépend beaucoup du type de lecture. Je ne pense pas qu'on puisse être pour ou contre le livre numérique, ça dépend de l'usage qu'on en fait», lance d'entrée de jeu le romancier et essayiste.
Grand lecteur, friand d'actualité dont il peuple ses thrillers remplis de complots internationaux et d'intrigues politico-économiques, Jean-Jacques Pelletier consomme beaucoup de médias. Et dans leur incarnation numérique.
«Des journaux, des revues, oui sur iPad», dit le père de la célèbre série Les gestionnaires de l'apocalypse dont le plus récent roman, Les visages de l'humanité, est paru à l'automne.
«Mais pour les livres, c'est de la folie d'essayer de lire sur iPad», juge-t-il à propos des tablettes rétroéclairées, moins confortables, selon lui.
«Les liseurs par contre sont très bien», ajoute Jean-Jacques Pelletier, même s'il n'est pas friand de ce support pour les romans.
«Je ne lis à peu près pas sur les liseuses. Mais s'il y avait des conditions spéciales comme partir en voyage, j'apporterais mes livres sur une liseuse», dit-il.
Sa conjointe, par contre, en a testé quatre ou cinq modèles pendant une convalescence où elle a été contrainte de rester alitée, relate Jean-Jacques Pelletier. «Son autonomie, elle l'a gardée avec sa liseuse. Elle pouvait commander ses livres et ce n'était pas trop lourd dans les mains», explique-t-il.
Le livre numérique a donc ses avantages, même pour le roman, reconnaît Jean-Jacques Pelletier. Mais ces jours-ci, notre homme est plutôt occupé à relire quelques bons vieux classiques papier. Balzac et Stendhal. Dans la prestigieuse édition La Pléiade, svp.
«Les relire avec l'appareil critique, c'est intéressant et on ne le retrouve pas toujours en numérique», dit-il.
Jean-Jacques Pelletier croit d'ailleurs que le marché du livre numérique est appelé à s'améliorer, en diversité de titres offerts. «C'est en train de se corriger, mais le catalogue français est moins intéressant que le catalogue anglais», déplore-t-il.
Le prix pour le livre numérique, aussi, intrigue l'écrivain.
«Je ne comprends toujours pas la politique du prix», dit-il. Si ces romans publiés chez Alire coûtent environ 60 % du prix de la version papier, ce n'est pas le cas de tous. «On coupe l'imprimerie, la librairie, l'entreposage. «Je ne comprends pas ce qui justifie de vendre ça 75 ou 80 % du prix du livre papier», déplore-t-il.
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François Blais: la tentation
Pour François Blais, les tablettes, ça sert à placer des livres en papier.
Pas que l'écrivain en ait contre les liseuses électroniques. C'est tout simplement qu'il n'a jamais encore exploré le bidule.
«Mais il faudrait que je m'en achète une», confie celui qui a remporté le Prix littéraire de la Ville de Québec et du Salon international du livre de Québec pour son roman Document 1.
Son habitude bien ancrée pour les pages de papier n'est rien d'immuable.
«Ce n'est pas une prise de position», illustre-t-il.
Au contraire, dit François Blais. Devenir fier propriétaire d'une tablette électronique aurait des avantages. Au premier chef, celui de donner accès à de vieux ouvrages libres de droit.
«Les oeuvres qui tombent dans le domaine public, on peut les télécharger. Souvent, elles ne sont pas à la bibliothèque, alors, oui, ce serait pratique.»
Mais ce sera avec une vraie liseuse. Car la seule fois où l'écrivain est venu à bout d'un ouvrage complet à l'écran, l'expérience n'a pas été très concluante, dit-il.
«J'ai lu un livre sur mon portable et ça va vraiment mal», tranche-t-il.
Il faut dire que, contrairement à ses personnages de Document 1 qui naviguent allègrement sur le Web, François Blais est loin d'être un accro d'Internet.
Fait assez rare chez les gens de sa génération - fin trentaine -, il a vécu sans être branché pendant «sept ou huit ans». «J'étais en froid contre tous les fournisseurs d'Internet», justifie celui qui, plutôt réservé au bout du fil, colore ses réponses d'une bonne dose d'humour.
«Quand j'écrivais mes premiers livres, si j'avais besoin de savoir quelque chose, je mettais mon manteau, ma tuque et j'allais sur Internet à la bibliothèque», relate l'écrivain de Québec originaire de Grand-Mère.
Puis, l'an dernier, François Blais s'est rebranché au vaste monde en ligne.
Une réalité qui transparaît dans Document 1, truffé de recherches virtuelles et des «infaillibles» cartes de Google Maps qui apparaissent sur l'écran de Tess et Jude.
«C'est le premier livre que j'écrivais avec Internet, donc je me lâchais lousse!» conclut François Blais, dont le septième roman, La classe de madame Valérie, est paru cette semaine aux éditions de L'instant même.

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